Séparation avec enfants : comment les préserver ?
- sagniermarianne
- 25 févr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 mars
1. Tenter de faire son deuil :
Au moment de la séparation d'un couple avec enfant, la vie de famille comme on l'imaginait vole en éclat. Et si la relation amoureuse prend fin, le lien parental, lui, deumeure. Dans ce contexte, parler de "deuil" ne signifie pas seulement faire face à la fin d’une histoire d’amour, mais aussi à la perte de la famille telle qu’on se la représentait, la fin des repères du quotidien et parfois même d’un certain idéal de vie.
Selon les circonstances de la rupture, l’un ou les deux parents peuvent être envahis par des émotions intenses : colère, tristesse, culpabilité, ressentiment… Ce flot de sentiments rend souvent difficile le processus d’acceptation. Même lorsque la séparation était inévitable – voire salvatrice – il peut être douloureux d’admettre que l’histoire n’a pas pris la tournure espérée. Pour beaucoup, une rupture résonne comme un échec, et devoir continuer à interagir avec l’ex-partenaire complique encore davantage le chemin vers l’apaisement.
Dans cette tempête émotionnelle, il est parfois difficile de prendre pleinement conscience de la détresse des autres, notamment celle des enfants. On peut alors sous-estimer leurs besoins, en pensant qu’ils s’adapteront naturellement. Et c’est vrai, les enfants possèdent une grande capacité d’adaptation. Mais ils restent des êtres vulnérables, en quête de repères et de sécurité. Selon leur âge et leur maturité, ils peuvent avoir du mal à exprimer leur mal-être, ce qui rend d’autant plus important l’accompagnement bienveillant des parents dans cette transition.
2. Expliquer la situation à l’enfant :
Deux facteurs principaux sont à prendre en considération concernant l’annonce aux enfants et la manière de les accompagner :
Quels âges ont-ils ?
Quel sera le rythme de garde ?
Un enfant n’est jamais trop petit pour comprendre.
Dès la naissance – et même in utero – il est recommandé de parler à son bébé. Lui expliquer ce qui se passe autour de lui, mettre des mots sur les émotions des parents, lui donner des repères… Autant de conseils que l’on retrouve chez les sages-femmes et les professionnels de santé.
Lors d’une séparation, il est essentiel de ne pas stopper cette habitude. Même très jeune, un enfant perçoit les changements à l’œuvre. Il peut ne pas poser de questions, mais il ressent les tensions, les absences, les ajustements. Lui expliquer avec des mots simples ce qui se passe lui permet de mieux comprendre et de s’adapter plus sereinement.
Lui dire que papa et maman ne s’aiment plus, mais qu’ils l’aimeront toujours, et que cela ne changera jamais. Insister sur le fait qu’il n’y est pour rien. C’est une précision essentielle, notamment pour les tout-petits qui peuvent, avant 5 ans, interpréter la séparation comme une conséquence de leurs propres actions.
Préparer son enfant aux changements est un véritable gage de sécurité affective. Lui donner des repères adaptés à son âge lui permet de se projeter : où vais-je vivre ? Quand verrai-je papa/maman ? Dans l’idéal, l’annonce doit être faite ensemble par les deux parents. Et pour les plus jeunes, mieux vaut fractionner l’information, en expliquant chaque étape au moment où elle se présente.
La question de la garde des enfants après une séparation est complexe et souvent influencée de croyances ancrées. L'âge de l'enfant a longtemps été un critère décisif dans ce débat, avec une tendance à attribuer la garde principale à la mère, supposée être la figure d'attachement prédominante. Cependant, les nouvelles perspectives scientifiques viennent nuancer cette idée.
Le psychologue Richard Warshak, à travers une méta-analyse couvrant plus de 40 ans de recherches et validée par près de 110 experts, met en avant les bénéfices de la garde alternée, quel que soit l’âge de l’enfant :
Meilleur équilibre émotionnel
Meilleure adaptation sociale et scolaire
Renforcement du lien avec les deux parents
Cette évolution s’inscrit dans un contexte sociétal où le rôle du père est davantage reconnu, notamment avec l’extension du congé paternité. Pourtant, en cas de séparation, le droit de visite du père reste souvent limité.
Les chercheurs insistent sur la nécessité de revoir les modèles de garde en tenant compte de la diversité des relations d’attachement. Le professeur Michael Lamb précise qu’on ne peut pas quantifier ou chercher à prioriser les liens d’attachements d’un enfant à une personne en particulier. L'enfant est en réalité capable de construire et de profiter de plusieurs liens d’attachements. Le facteur principal étant la quantité de temps accordé : lors des dernières décennies, le contexte sociétal plaçait les mamans à domicile avec l’enfant VS les papas au travail. Il n’est donc pas difficile de comprendre l’amalgame qui a été commis pendant plusieurs d’années.
Néanmoins, priver un enfant de la possibilité de développer une relation équilibrée avec son père peut fragiliser son sentiment de sécurité et sa capacité à s’adapter à différents environnements (crèche, école, activités extrascolaires, etc.). La réflexion autour de la garde doit ainsi s’appuyer sur les besoins réels de l’enfant plutôt que sur des croyances dépassées.
En résumé, encourager les parents à envisager la garde partagée n'est pas simplement un appel à l'égalité parentale, mais une démarche en faveur du bien-être global de l'enfant.
De plus, rappelons que l’enfant grandit et que ses besoins évoluent en même temps. Ainsi, si la situation est favorable à la mise en place d’une résidence alternée (proximité des domiciles, entourage et soutien familial, pas de toxicité d’un des parents, etc.), le rythme de garde doit s’adapter à l’enfant : une semaine/une semaine, 2/2/5/5, ou tout autre rythme permettant à l’enfant d’avoir une lisibilité (lorsque la première chose que fais l’enfant en arrivant est de demander combien de dodo il fait chez vous, et est décontenancé à la réponse, c’est que le tempo choisi ne convient pas forcément). Les parents doivent donner un sentiment de sécurité à l’enfant.
3. Accompagner l’enfant :
A chaque étape du changement, votre enfant doit être capable de se situer au sein de la famille. Il ne doit pas avoir de doutes quant à sa place et légitimité.
Qu’il y ait un laps de temps très court ou très long, entre la fin de la vie de famille avec papa et maman, et l’arrivée d’un(e) nouveau(e) conjoint(e), échanger avec votre enfant est primordial.
L’idéal serait de réussir à respecter le délai de deuil et d’acceptation dont l’enfant a besoin (rappelez-vous que pour les tous petits, la notion du temps est très différente de celle d’un adulte). Dans la réalité, il arrive que pour des questions financières, organisationnelles ou tout simplement amoureuses, le parent se précipite un peu dans la nouvelle relation. Si cela arrive, faites en sorte de communiquer. D’ailleurs, pas seulement avec l’enfant, mais avec le nouveau partenaire et l’ex-conjoint. Si votre ex ressent de l’insécurité quant à son propre rôle auprès de l’enfant, il/elle pourrait lui transmettre ses craintes et sa méfiance (voire son animosité), et positionner (consciemment ou inconsciemment) l’enfant dans un conflit de loyauté. Mais l’enfant n’a pas à subir et à porter le poids de l’insécurité de son parent. Ça ne ferait que le desservir, au-delà de desservir l’ex-conjoint et le nouveau partenaire.
Par ailleurs, il faut préserver son enfant un enfant n’est pas un confident et n’a pas à encaisser tout le malheur d’un de ses parents, qui accablerait l’autre parent. Le discours que chaque adulte tient doit être relativement neutre.
Pour conclure, il est important d’être vigilant quant au choix des mots utilisés lors d’une transition de garde.
Même si cela est compréhensible, il faut à tout prix éviter les phrases qui feront culpabiliser l’enfant, du genre : « tu vas énormément me manquer, je vais penser à toi à chaque seconde, c’est vraiment dur, j’ai hâte de te retrouver ».
Il faut décharger l’enfant des sentiments du parent. Ne pas lui donner l’impression qu’on s’écroule en son absence et que la seule chose qu’on fait est de compter les minutes. Comment, dans un contexte pareil, l’enfant pourrait se sentir bien chez un parent, en sachant que son absence fait du mal à l’autre parent ?
Tenter d’alléger les choses, et dire plutôt des phrases : « je t’aime très fort et j’espère que tu vas bien t’amuser. Moi aussi je vais profiter et quand on va se revoir, on pourra se raconter tout ce qu’on a fait ».
N’oubliez pas qu’une séparation est difficile et compliquée mais qu’elle est l’affaire des adultes.
Elle impacte déjà suffisamment les enfants, il n’est pas correct d’altérer en plus leur bien-être avec des sentiments qui ne sont pas les leurs.

Articles :
- Warshak, R. A. Stemming the tide of misinformation: International consensus on shared parenting and overnighting. Journal of the American Academy of Matrimonial Lawyers, 30(1), 2017 : https://aaml.org/wp-content/uploads/MAT102_10.pdf
- SOURCE : CIRPA France, article dans « Attachment goes to court: child protection and custody issues » / cosigné par 70 spécialistes de l’attachement en 2021.
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